Interview: Humpy Koneru

18 septembre 2006


Humpy Koneru (2548) Photo @ Europe-Echecs

Le palmarès de la championne indienne Humpy Koneru est impressionnant. A 19 ans elle cumule les titres: championne du Monde des moins de 12 ans, des moins de 14, des moins de 18 ans. En 2002, à 15 ans, 1 mois et 27 jours, elle détrône Judith Polgar et s'empare du record de la plus jeune femme ayant obtenu le titre de GM masculin.

GB: Vous êtes relativement peu connue en occident. D'où venez-vous et comment avez-vous découvert le jeu d'échecs?

HK: Je viens du sud de l'Inde. J'ai appris à jouer à l'âge de 6 ans. Mon père, Ashok Kuneru, a été mon premier professeur. Son niveau est celui d'un maître national indien. C'est mon père qui a choisi mon prénom, inspiré du mot champion avec une consonance russe.

GB: On peut déjà vous considérer comme l'alter ego féminin d'Anand. Seul le championnat du Monde féminin ne vous a pas réussi jusqu'ici. Est-ce votre principal objectif?

YW: J'ai participé à deux championnats du Monde. La première fois j'ai été jusqu'en demi-finale et la deuxième j'ai été éliminée dès le premier tour par la française Marie Sebag. Décrocher le titre est bien entendu mon principal objectif.

GB: Depuis le phénomène Anand, les échecs ont pris un essor considérable en Inde qui s'impose comme l'une des nations émergentes les plus fortes avec la Chine. Lors des dernières Olympiades de Turin, comment expliquez-vous la contre-performance de l'équipe masculine, 30ème alors que sur le papier elle était l'une des favorites?

YW: Il n'y a pas de vraies bonnes raisons, si ce n'est que la nourriture ne nous convenait pas et les conditions de logement étaient loin d'être optimales.

GB: A Lausanne vous avez montré que votre niveau est comparable aux meilleurs juniors masculins. Il y a encore une vingtaine d'années cela semblait impossible. Comment expliquez-vous les progrès fantastiques des échecs féminins?

YW: Aujourd'hui il y a plus de possibilités, beaucoup de tournois et de compétitions féminines. En ce qui me concerne, mes modèles sont les sours Polgar.

GB: Après vous, y-t-il d'autres membres de la famille qui jouent aux échecs?

YW: Oui, une sour, cadette d'un an, mais qui a délaissé les échecs pour se consacrer essentiellement à ses études.

GB: Votre partie contre le bosniaque Predojevic était explosive. Vous avez joué très rapidement l'ouverture, étiez-vous préparée à de telles complications?

YW: J'ai consacré beaucoup de mon temps aux préparations des ouvertures. Je n'ai donc pas été surprise par le choix de son ouverture, mais la position est devenue peu claire avant que j'obtienne une finale totalement gagnante (n.d.l.r. Borki Predojevic a dit dans la salle de presse que 22.Fe6 ? a été l'erreur décisive).

GB: Jouer contre un homme représente-t-il un enjeu différent?

YW: Oui, mais j'ai beaucoup d'expérience avec les GM masculins car j'ai participé à de nombreux open et tournois fermés. Au dernier tournoi de Wijk aan Zee dans le groupe B, j'ai battu le secondant du champion du Monde, Cheparinov. C'est le plus fort GM que j'ai réussi à battre.

GB: Les tournois mixtes ont-ils un avenir ou préférez-vous les tournois exclusivement féminins?

YW: La formule des tournois mixtes est intéressante. Il y a certainement un enjeu supplémentaire car les hommes sont en général plus combatifs contre les femmes.

GB: Le problème du temps divise les joueurs d'échecs : KO ou formule Fischer avec ajout de temps. Quelle est la meilleure formule et la meilleure cadence pour une partie lente?

YW: C'est la cadence Fischer que je préfère : 90 minutes pour toute la partie avec ajout de 30 secondes par coup. De nos jours la préparation est si importante que les ouvertures peuvent être jouées rapidement. J'ai besoin de temps dans les milieux de partie et les finales. Je n'apprécie donc pas trop la formule KO.

GB: Comment voyez-vous le futur?. La préparation des ouvertures assistée par ordinateur semble prendre une proportion démesurée. L'idée du Fischer random est-elle à retenir pour un renouveau des échecs?

YW: Je trouve le Fischer random très intéressant pour amener le jeu sur un terrain inexploré mais je n'y ai encore jamais joué.

GB: Merci pour cet entretien et à bientôt au Cap d'Agde en octobre, car vous venez d'accepter une invitation au tournoi de parties rapides qui réunira quelques-uns des meilleurs joueurs du Monde.

Interview fait avec la collaboration de Lindo Duratti.

Georges Bertola
Responsable du Service de Presse